Paraboles Eclectiques [Lysouuuuu]

Au Commencement était la Goutte.

Et la Goutte il était au début.

Une belle goutte au demeurant. Parfois ronde, parfois ovale, souvent en forme de petite poire rebondie. On sentait que c'était le genre de petite goutte qui allait tomber un faisant un joli –plic- bien concentrique, mais qu'elle pourrait tout aussi bien rouler sur une vitre en automne ou se laisser perler au coin d'un œil rougi. La mer de toute larme et de toute pluie.

Et cette Goutte qui s'attribuait une majuscule parce qu'on était au Commencement et que rien n'était encore trop commun, allait jouer un rôle décisif. Elle était "Celle Qui A Fait Déborder Le Vase".

S'exclamant : "Marre de cette flaque noirâtre ! Je vais me la couler douce ailleurs ! ", la Goutte s'échappa de la Mer de Néant avant de tomber plus bas.

Elle fit –Twouiiiiit-
Ce qui déconcerta beaucoup de monde.

Beaucoup de choses changèrent. Quelques univers furent compressés, deux trois entités mineures respirant uniquement du méthane liquide virent le jour et disparurent aussi sec. Et puis les oiseaux chantèrent, les gazellons paissèrent et les herbes folles firent ce que tout bon brin apprend à faire à l'herbier.

Et lorsqu'il (pardon IL) arriva, Il décréta qu'Il était déjà là une semaine avant que tout cela était donc de Son fait. Le premier prem's de l'histoire.
Et pour tout ceux qui auraient la morgue de contester, il créa le premier Homme. Une créature au dessein ravageur dont l'objectif serait d'affirmer que la Création toute entière était bien Son fait et que d'ailleurs, elle était tellement bien foutue qu'il allait pouvoir la mettre à l'épreuve sans mégoter sur les moyens employés.
Ensuite il lui créa une Femme parce que l'un dans l'autre, il allait bien falloir lui expliquer que les hommes ne naîtraient pas toujours dans la boue. Et pour appuyer cette idée, il dota l'Homme de Virilité et la Femme de Puérilité.
Et c'est d'un ton sentencieux de tonnerre de Dieu qu'il s'adressa à Adam et Eve :

"Croissez et multipliez, faites des trucs pas catholiques dans le noir. Ensuite priez et révérez moi, faites des trucs catholiques. Et puis domptez, soumettez et domestiquez ma Création à votre guise. Bref, faites ce que vous voulez."

Puis d'un ton plus murmuré et légèrement atone :

"Par contre, ne touchez pas à la pomme, sinon la garantie ne sera plus valable. Voilà, hem. Bonne semaine."

Les choses allaient pouvoir commencer (et de manière beaucoup moins pompeuses, nom de dieu !).



C'était un de ces glorieux matins où les rayons du soleil se laissaient filtrer et décanter lentement par la végétation luxuriante du Jardin d'Eden. Adam roupillait ferme en espérant qu'à son réveil, on ne lui aurait pas encore chipé une côte ou un pied pour fabriquer une autre sauvageonne.
Le chœur céleste passa dans les cieux, à grands renforts de tambours et de trompettes, déversant la liesse divine sur la Création Parfaite. Et chaque animal, chaque petit poisson pédonculé du fond des océans rendait hommage à cette ribambelle de joufflus rigolards.

- Mais bordel ! C'est pas fini ce foutoir ?!

Adam grogna et tenta de remonter sa couverture de feuilles sur le nez. Peine perdue, il n'avait plus qu'à se lever. Passant les jambes hors du lit de brindilles, il se pinça l'arête du nez et se gratta le crâne.
Un authentique tigre à dent de sabre vint le trouver avec un grand sourire (un peu forcé, il faut admettre).

- Alors patron, bien dormi ?
- Tu parles. Qu'est ce que je donnerais pour avoir la paix !
- Et moi pour pouvoir bouffer de la viande…crois moi vieux, les fruits, ça parle pas aux instincts. Si je pouvais te croquer une fesse, ce serait royal.

Poussant un feulement félin, le tigre ronronna longuement avant de filer dans les buissons. Adam pris le temps de méditer là-dessus pendant qu'il finissait de s'étirer. Oui tout compte fait, ce n'était pas juste avec sa Glorieuse Virilité qu'il pourrait faire face. Alors les angelots matinaux, finalement, c'était sans doute un moindre mal. Et en parlant de ça…

- Eeeeeve ?

Pas de réponse. Allons bon où avait bien pu se fourrer cette échevelée ? Eve était une énigme. Bien formée et séduisante, mais étrangement animale. Toujours en train de chercher, de trifouiller, de rire…de rire ! C'était un comportement totalement inédit.

Adam se redressa dans sa splendide nudité et fit quelques pas dans l'herbe grasse. Les rayons du soleil vinrent lécher sa peau cuivrée, mettant en valeur les contours musculeux de sa silhouette. Les reliefs naturels de son profil étant cependant pour le moment relégués au second plan par la vigueur matinale de son vît. Il n'était pas gêné. Au nom de quoi le serait-il ? Attrapant son sexe dans son poing fermé, il le secoua deux trois fois pour en juger la fermeté. C'était déjà chaud et nerveux, comme si toute son énergie cardiaque était contenue dans ce bout de chair relativement bien proportionné.

Il décida qu'il avait envie de trouver Eve.